Passé à tabac par la police, Hassan perd un oeil …

Le 17 février sur la rocade de Dreux, Hassan se fait tabasser par plusieurs policiers qui sont persuadés de tenir l’auteur d’un braquage qui vient d’avoir lieu. Depuis, il a perdu l’usage de son œil droit. Une enquête de l’IGPN est en cours.

Hassan Cherifi n’arrive plus à ouvrir l’œil droit. La pommette saillante, l’homme a la gueule d’un boxeur après 10 rounds. On vient de rentrer dans son salon et tout est très sombre : « Il ne supporte pas la lumière, on est obligé de fermer les rideaux » explique Alexandra, sa compagne depuis 2 ans. Pendant qu’on discute, les larmes coulent sur les joues d’Hassan. Il les essuie avec un kleenex. Jogging et polo de sport, assis sur le canapé, le solide bonhomme de 27 ans a perdu l’usage de l’œil droit depuis le 17 février dernier :

« J’ai des fils dans l’œil. A chaque douleur, je repense à la scène. Je me demande pourquoi je me suis levé ce matin là, pourquoi je suis passé par là ».

Après être passé deux fois sur le billard, Hassan mise tout sur une opération de la dernière chance : une greffe de la cornée. Si elle ne fonctionne pas, il aura définitivement perdu son œil.


L’œil perdu de Hassan, c’est l’histoire d’un mec de 27 ans que les flics ont pris pour quelqu’un d’autre. L’IGPN a ouvert une enquête à la demande du procureur de la République, a pu constater StreetPress. La police des polices va devoir faire la lumière sur les coups de crosse, les insultes racistes et les éclats de verre dans l’œil de Hassan, après qu’un agent a fait exploser la vitre de sa voiture.

Le 17 février, Hassan Cherifi se lève de bonne heure : « Avec un ami, on avait prévu d’aller à la sous-préfecture voir si ma voiture était gagée ». Après le petit déj’, ils embarquent dans sa Laguna verte, direction le centre-ville. Les 2 hommes reprennent la route vers 9h10. Hassan propose à son ami de le ramener chez lui. Celui-ci accepte mais demande d’abord à passer par l’hôpital de Dreux. « Il devait faire signer sa convention de stage », raconte-t-il.

Arrivé à un rond-point, Hassan est obligé de s’arrêter derrière un camion. Un barrage coupe la circulation. Au loin, il aperçoit 5 policiers qui marchent à vive allure dans sa direction, flingues à la main, prêts à tirer. Il rassure son pote, pris de panique : « Je lui dis de lever les mains pour montrer qu’on n’a rien sur nous ». Il serre le frein à main et coupe le contact.

 

Erreur de casting

Quelques minutes plus tôt à Lèves, à 30 kilomètres de là, un casse vient d’avoir lieu au Crédit Agricole. Les deux braqueurs emportent près de 4.500 euros en cash. Et manque de pot pour Hassan, ils roulent aussi en Laguna :

« Les policiers nous ont pris pour les braqueurs. Pour eux c’était nous à 100 % ! »

Les 5 policiers s’approchent de la voiture de Hassan. Lui les regarde, concentré et nerveux. Alors qu’il ne s’y attend pas, un képi plutôt baraqué, la cinquantaine cheveux grisonnants, arrive de l’arrière et fait exploser la vitre avant, d’un coup de crosse. Le bruit le surprend. Il n’a pas le temps de tourner la tête et prend plusieurs éclats de verre en pleine face. L’œil est touché. Sonné, Hassan est sorti manu militari de la voiture puis jeté sur le bitume, face contre terre. Après une fouille en règle, le flic s’impatiente, avoine le jeune mec et le retourne sur le dos. Il crie « Tu les as mis où les armes ? », se souvient Hassan :

« Je lui réponds que je ne comprends pas ce qu’il me dit. J’ai cru qu’il me prenait pour un terroriste ».

C’est à ce moment que le flic aurait insulté Hassan de « sale musulman ». Avant d’ajouter :

« Y’en a marre des musulmans comme toi ! »

Menotté à la chaise roulante

Hassan à sa sortie de l’hosto | © Famille Cherifi

Hassan-sortie-hopital-bavure-dreux

Hassan est salement amoché. Menotté, il poireaute une demi-heure sur le rond point à la vue de tous : « À ce moment je ne vois plus rien mais je ne dis rien. J’ai peur qu’on me retape dessus ». Puis le gaillard est conduit à l’hôpital de Dreux, la gueule en sang. Arrivé sur place, il est menotté à une chaise roulante :

« Les policiers disaient au personnel médical que j’étais un braqueur ».

Au Centre Hospitalier de Dreux, les médecins ne peuvent rien faire. Hassan est alors envoyé aux Quinze Vingts à Paris, un hosto spécialisé en ophtamologie. Sur place, un médecin constate ses blessures. Les entailles à l’œil droit mais aussi les bleus qu’il a sur tout le corps qui entraînent une première interruption temporaire de travail « d’au moins 15 jours », selon le certificat médical consulté par StreetPress. Opéré dans la foulée, Hassan ressortira 5 jours plus tard.

« Ca ressemble quand même à une bavure »

La presse locale (link is external) revient sur le braquage de la banque et explique qu’un homme « au volant du véhicule recherché » a été interpellé. Il faudra 3 jours aux policiers pour reconnaître leur grosse boulette. Car les caméras de surveillance sont formelles : au moment du braquage Hassan et son pote étaient bien au guichet… de la sous-préfecture de Dreux.

En plus de l’enquête de l’IGPN, l’avocat de Hassan Cherifi a déposé plainte pour violences aggravées le 6 mars dernier. Le Collectif contre l’islamophobie en France (link is external) a aussi relayé sur son site l’histoire de Hassan. Au commissariat de Dreux, on confirme la méprise :

« Les collègues pensaient que c’était le véhicule en cause »

Mais les flics ont une toute autre version de l’histoire. Joints par StreetPress, ceux-ci justifient la violence de l’interpellation par un refus d’obtempérer de la part de Hassan, qui était connu des services de police pour une condamnation à un an de prison ferme dans une affaire de deal. Selon eux, Hassan aurait verrouillé sa porte, et se serait montré peu coopératif. « Sauf que cette voiture, on ne peut pas la fermer de l’intérieur » réplique Alexandra, remontée comme un coucou.

En attendant, Hassan reçoit finalement une assignation à comparaître pour une affaire d’outrage à agents qui remonte… à mai 2014. Pour Alexandra, c’est évident : à défaut d’avoir une défense béton, les flics tentent l’intimidation. Mais pour Me Jean-Gabriel Martin, l’avocat de Hassan :

« Tout ça ressemble quand même à une bavure ! »

Bavure Dreux médicaments
La compagne de Hassan montre les médicaments qu’il doit prendre chaque jour / Crédits : Tomas Statius

Sa copine, fille de flic, a la rage

Après une demi-heure de conversation à bâtons rompus, Hassan s’y reprend à plusieurs fois pour évoquer la suite. Lui et sa compagne sont désormais sans emploi. Dans le temps employé chez Peugeot à Poissy puis dans un restaurant Courtepaille, ses futures recherches de boulot s’annoncent compliquées, avec un œil en moins : impossible de prendre le volant pour aller bosser. Et à Dreux, sans bagnole…

« On veut que les flics paient pour ce qu’ils ont fait… qu’ils ne recommencent pas » assène Alexandra. Fille de flic, la petite brune a la rage. Deux minutes plus tard, elle s’écroule pourtant et lâche entre deux trémolos :

« Franchement j’ai du mal. Je le vois souffrir et je ne peux rien faire. »

Source : Street Press

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