Source : News Vice
La police du nord de l’Inde se serait procuré des drones capables d’asperger du gaz lacrymogène sur des manifestants et sur d’autres foules vues comme des menaces à la sécurité publique.
« Ils peuvent être utilisés pour asperger une foule indisciplinée de gaz lacrymogène en cas de problème, » développe Yashasvi Yadav, le commissaire de police de la ville de Lucknow, une grande ville du nord de l’Inde, dans des propos rapportés par le Times of India.
Les moyens technologiques qui permettent de contrôler des foules à distance sont assez récents. La stratégie de Yadav s’inscrit dans une tendance d’utilisation massive des drones en Inde. Le gouvernement et les entreprises se sont mis à utiliser ces engins de façon spectaculaire en dépit des avertissements de certains qui voudraient voir une réglementation plus importante sur l’utilisation des drones.
« On ne peut pas tous utiliser cette technologie comme un seul homme, » dénonce Alli McCracken, coordinatrice nationale de Code Pink, une organisation qui combat les drones. « La police est suffisamment militarisée. Cette question touche à la vie privée et à la sécurité, » explique-t-elle à VICE News.
Ces préoccupations n’ont pas empêché les États-Unis, ou d’autres pays, de trouver des emplois semblables pour ces objets volants. Des drones de surveillance bourdonnent un peu partout dans le monde, depuis la frontière du Texas jusqu’à l’étendue d’eau qui sépare la Chine et le Japon. Des drones armés bombardent l’Afrique, le Pakistan et le Moyen-Orient. Amazon veut utiliser des drones pour assurer la livraison de ses commandes. Les agents immobiliers utilisent à présent des drones pour montrer des vues aériennes des propriétés qu’ils mettent sur le marché.
Les nouvelles règles proposées par le président Barack Obama pour étendre l’utilisation des drones commerciaux aux États-Unis ont été rendues publiques. Obama a également produit un décret qui ordonne aux agences fédérales de respecter les libertés civiles des citoyens lorsqu’ils lancent des drones.
En juin, la BBC a rapporté qu’une nouvelle entreprise sud-africaine vendait des « hélicos pour contrôler les émeutes », capables de lancer des capsules de gaz lacrymogène. La BBC affirme que les premiers clients de cette entreprise sud-africaine était une entreprise minière, ce qui laisse à penser que les drones seraient déployés contre des mineurs manifestants.
« Je pense qu’on va voir émerger une nouvelle vague de drones, dont les charges seront plus lourdes que les Tasers, les pistolets à fléchettes et les pistolets de paintball, » a expliqué à la BBC Guy Martin, du site defenceWeb, qui couvre la défense et la sécurité en Afrique.
Yashasvi Yadav explique que la police de Lucknow a déjà utilisé des drones avec des caméras pour surveiller des festivals religieux. Le pas franchi de l’équipement de ces machines avec du gaz lacrymogène semble naturel, poursuit-il. Dans une interview accordée à l’AFP, le commissaire a dit qu’il les avait déjà testés dans une simulation d’émeute.
« Les résultats étaient géniaux. On a réussi à les utiliser pour cibler avec précision la foule dans les zones encombrées, » a confié Yadav à l’AFP, ajoutant que chaque drone coûtait presque 10 000 dollars pièce. « Le gaz lacrymogène n’est pas mortel, et très efficace pour contrôler les foules. On peut asperger de différentes hauteurs pour un résultat optimal. »
Amos Guiora, professeur de droit à l’université d’Utah qui prône la mise en place de tribunaux spéciaux pour juger de la légalité des attaques de drones, trouve Yadav très nonchalant. D’après lui, la décision de gazer des manifestants doit être prise par quelqu’un qui est sur place, et non pas par un pilote qui contrôle l’engin à distance.
« Je suis partisane de décisions prises sur le terrain, » dit Guiora à VICE News. « Par « sur le terrain », j’entends que c’est un être humain qui y est, et pas une satanée machine. Les opérateurs de drones qui sont les pieds sur leurs bureaux me font peur. »
Jay Stanley, politologue à l’ACLU est d’accord. Imaginez que des drones, plutôt que des officiers de police aient répondu aux appels qui ont abouti aux fusillades de Ferguson, ou ailleurs ces dernières années, demande-t-il. La police fait des erreurs sur le terrain. Comment peuvent-ils en répondre s’ils ne sont même pas physiquement présents ?
« Quand un officier n’est pas physiquement présent, il ne peut pas évaluer la situation aussi facilement, » dit Stanley à VICE News. « Ça renforce le risque d’un abus de l’utilisation de la force. Quand les officiers de justice utilisent la force à distance, ça n’a plus de coût, de risque, et c’est trop facile. »